L’Arche d’Alliance

Après avoir délivré les Israélites de la dure captivité d’Égypte, Dieu les conduisit au mont Sinaï. C’est là qu’il fit connaitre à Moïse toutes les prescriptions de la Loi. Dans sa bonté, il voulut aussi donner à ce peuple un signe de sa présence : « Fais-moi un sanctuaire, que je puisse résider parmi eux » (Ex 25, 8). En conformité avec la vie nomade, ce sanctuaire fut d’abord une tente. Un voile divisait l’intérieur en deux parties : le Saint et le Saint des Saints, c’est-à-dire lieu très saint. Seuls les prêtres pouvaient pénétrer dans le Saint et le grand-prêtre une fois par an dans le Saint des Saints.

Dans le Saint des Saints, il fit placer l’Arche d’Alliance. C’était un coffre de bois d’acacia dont les parois, à l’intérieur comme à l’extérieur, étaient recouvertes d’or. Deux chérubins d’or placés vis-à-vis l’un de l’autre se trouvaient aux deux extrémités du couvercle de l’arche. Ce couvercle, le propitiatoire, était en or. « C’est de sur le propitiatoire – dit le Seigneur à Moïse, d’entre les deux chérubins qui sont sur l’Arche du Témoignage, que je te donnerai mes ordres pour les Israélites » (Ex 25, 22).

Petite arche d alliance photo af

L’arche s’appelait l’Arche d’Alliance parce qu’elle renfermait les deux tables de pierre sur lesquelles étaient gravés les préceptes du décalogue résumant les conditions de l’alliance faite par Dieu avec son peuple. Dans les journées de marche, l’Arche d’Alliance s’avançait devant eux pour leur chercher un lieu de repos (Nb 10, 33). Pour passer le Jourdain, au moment où les porteurs de l’Arche arrivèrent et où les pieds des prêtres touchèrent les eaux, les eaux qui descendent d’en haut s’arrêtèrent, celles qui descendent vers la mer furent coupées et le peuple passa (Jos 3, 15-16). À la prise de Jéricho, sept prêtres devaient porter devant l’Arche d’Alliance sept trompettes en cornes de bélier, et faire, le 7e jour, sept fois le tour de la ville, afin que le mur s’écroule (Jos 6, 4-5).

L’Arche demeura au sanctuaire de Silo et c’est auprès d’elle que Samuel reçut sa vocation comme prophète, jusqu’au jour où les Philistins attaquèrent Israël et se saisirent de l’Arche comme butin de guerre. Cependant, la présence de l’Arche d’Alliance leur était maléfique au point qu’ils voulurent la rendre aux Hébreux. Alors, « les gens de Kiryat-Yearim vinrent et firent monter l’Arche du Seigneur. Ils la conduisirent dans la maison d’Abinadab, sur la hauteur, et ils consacrèrent son fils Eléazar pour garder l’Arche du Seigneur » (1 Sam 7, 1).

David et arche d alliance v 1600

Environ 80 ans plus tard, le roi David, accompagné de toute l’élite d’Israël, 30.000 hommes, vint à Kiryat Yearim (Baala de Juda) afin de transférer l’Arche à la Cité de Sion. Et « David et toute la maison d’Israël dansaient devant le Seigneur de toutes leurs forces en chantant » (2 Sam 6, 5).

« Comme on arrivait à l’aire de Nakôn, Uzza étendit la main vers l’Arche de Dieu et la retint, car les boeufs la faisaient verser. Alors la colère du Seigneur s’enflamma contre Uzza : sur place, Dieu le frappa pour cette faute, et il mourut, là, à côté de l’Arche de Dieu. David fut fâché de ce que le Seigneur eût foncé sur Uzza et on donna à ce lieu le nom de Pérèç-Uzza, qu’il a gardé jusqu’à maintenant. Ce jour-là, David eut peur du Seigneur et dit : "Comment l’Arche du Seigneur entrerait-elle chez moi ?" Ainsi David ne voulut pas conserver l’Arche du Seigneur chez lui, dans la Cité de David, et la conduisit chez Obed-Edom de Gat. L’arche du Seigneur demeura trois mois chez Obed-Edom de Gat, et bénit Obed-Edom et toute sa famille.

On rapporta au roi David que le Seigneur avait béni la famille d’Obed-Edom et tout ce qui lui appartenait à cause de l’Arche de Dieu. Alors David partit et fit monter l’Arche de Dieu de la maison d’Obed-Edom à la Cité de David en grande liesse » (2 Sam 6, 6-12).

Quand le Temple fut construit, Salomon « aménagea un Debir dans le Temple, à l’intérieur, pour y placer l’arche de l’alliance du Seigneur » (1R 6,19), « c'est-à-dire au Saint des Saints, sous les ailes des chérubins » (1R 8, 6). Debir est de la même racine que Davar, la Parole. Il y a là une leçon importante pour notre temps. Ce qui rend humain l’homme, c’est sa parole : le langage humain est plus que le langage informatique ou animal, la parole humaine qui est plus que la transmission d’une information ou d’un affect. Or la parole doit avoir un fondement, car comment obliger quelqu’un à croire ce que je vous dis ? Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que l’homme peut avoir une parole humaine parce qu’à son origine, Dieu lui a adressé la parole. La parole divine a fondé la parole humaine.

Le couvercle de l’Arche d’Alliance s’appelle le « propitiatoire », d’un mot hébreu qui veut dire « couvrir », avec le sens métaphorique « expier les péchés ». Au grand jour des Expiations, le grand-prêtre aspergeait ce couvercle du sang de la victime offerte pour les péchés du peuple

(cf. Lv 16). Le propitiatoire, on l’a dit, est aussi le lieu de la mystérieuse présence de Dieu. Le sang du sacrifice, dans lequel tous les péchés des Hébreux ont été absorbés, est purifié en ‘touchant’ la divinité, et les hommes représentés par ce sang sont rendus purs. De plus, à travers la démarche pratiquée pendant les jours précédant le Yom Kippour, l’expérience juive de la miséricorde divine a une dimension communautaire.

Nabuchodonosor conquit Jérusalem en 597 av J-C, et emporta tous les trésors du temple et du palais royal. Puis, en 587, il brûla le temple et il le dépouilla de tous les objets précieux qui servaient au culte (2 R 24 – 25 ; 2 Chr 36, 10 ; Is 39, 6). Cependant, par un respect pudique, on ne nomme pas l’Arche d’Alliance parmi les objets pillés : au moment de la destruction du temple, docile à un oracle divin, le prophète Jérémie prit l’Arche d’alliance et la cacha dans une grotte (2Mac 2, 4-8). Quelques témoignages des rabbins disent que l’Arche a disparu et qu’elle est destinée à durer jusqu’au monde futur [1]. L’Alliance de Dieu avec Israël est éternelle, c’est pourquoi l’Arche est incorruptible. Elle est peut-être même, s’il le faut, au ciel (Ap 11, 19).

La foi chrétienne voit en Jésus la présence du Dieu vivant. En lui se touchent Dieu et l’homme. En lui se réalise ce que le rite du Jour de l’Expiation voulait exprimer : sur la Croix, Jésus dépose tout le péché non plus des seuls israélites, mais du monde entier, dans l’amour de Dieu et le fait fondre en lui. « Dieu l’a exposé, instrument de propitiation » (Rm 3, 23-25). « Dans la Passion de Jésus, toute l’abjection du monde entre en contact avec l’immensément Pur, avec l’âme de Jésus-Christ et ainsi avec le Fils de Dieu lui-même. En ce contact, la souillure du monde est réellement absorbée, annulée, transformée à travers la douleur de l’amour infini »[2]. La miséricorde jaillit du cœur de Jésus le Messie qui meurt en demandant au Père de pardonner aux hommes.

 

[1] Talmud de Babylone, Sotah 35° ; Nombre Rabbah (avec rabbi Jochanàn † 279)
[2]  Cf. J. RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection. Parole et Silence, Paris 2011, p. 263

Extraits de : Françoise Breynaert, Le Sanctuaire Notre-Dame de l’Arche d’Alliance, Imprimé avec autorisation ecclésiastique donnée le 27 septembre 2022 par Mgr Patrick CHAUVET, vicaire épiscopal à l’Imprimatur de l’archevêque de Paris.